Offices clandestins et messes dans les maisons

Ordre est même donné d’arrêter les prêtres insermentés, qui peuvent être condamnés à mort ou déportés en Guyane. Pour échapper aux persécutions, certains ont prêté serment et se sont mariés. Mais juste pour donner le change: en réalité, ils se sont mis en ménage chastement, avec une vieille servante.

La béatification des victimes

Trois évêques, Mgr du Lau, archevêque d’Arles, Mgr de la Rochefoucault évêque de Beauvais et son frère évêque de Saintes ; cent vingt-sept prêtres séculiers dont plusieurs des paroisses parisiennes ; cinquante-cinq religieux, bénédictins, chartreux, anciens jésuites, capucins, eudistes, sulpiciens, frères des Ecoles chrétiennes, parmi lesquels Dom Chevreux, supérieur des bénédictins de Saint-Maur, ancien député aux Etats-Généraux, le frère Salomon, secrétaire général de l’Institut des Frères des Ecoles chrétiennes et cinq laïcs massacrés aux Carmes (aujourd’hui Institut catholique), ont été béatifiés par Pie xi, en 1926.

L'église de l'ombre en 1794

Les prêtres baptisent, confessent, portent le viatique aux mourants, célèbrent la messe pendant des offices clandestins

Tous ces prêtres, parmi lesquels à Paris le père de Clorivière, l’abbé de Kéravenant, l’un de ces fameux aumôniers de la guillotine qui, en carmagnole et bonnet phrygien, accompagnaient les sinistres charrettes pour assurer l’assistance spirituelle des condamnés à mort, le père Chaminade à Bordeaux, M. Linsolas à Lyon, M. Garrigou à Toulouse, M. Loppidé à Rouen qui joueront un rôle important après la tourmente révolutionnaire et contribueront à la renaissance du catholicisme tous ces prêtres, et il y en eut des milliers, baptisent, confessent, portent le viatique aux mourants, célèbrent la messe dans des appartements, maisons, fermes, greniers, fruitiers, caves, chais, burons, bergeries, voire dans des grottes et des bois.
Selon les instructions données par plusieurs évêques, car il y eut une organisation de l’Eglise de l’ombre, « c’est dorénavant dans l’intérieur des maisons, dans des lieux solitaires et cachés qu’est retirée la véritable Eglise de Jésus-Christ ».

La messe dans un appartement

A côté du domicile de Danton, des prêtres se sont cachés.

A Paris, dans le quartier de Saint-Sulpice, le père de Clorivière, constamment recherché mais qui ne sera jamais pris, célèbre souvent la messe dans un appartement de la rue Cassette où se sont installées des moniales sécularisées depuis la suppression des ordres religieux. Rues de Sèvres, Garancière, de Tournon, Neuve Sainte-Geneviève, Mouffetard, Gît-le-Cœur et même cour du Commerce, où Danton et Camille Desmoulins sont domiciliés, des prêtres sont accueillis.
A Bordeaux, chez les Durand des Granges, l’abbé Chaminade célèbre la messe dans un étroit réduit proche du grand salon quand une nuit, juste après la consécration, les sans-culottes font irruption. La maîtresse de maison, très calme, referme la porte sur l’abbé et accompagne habilement les visiteurs dans leur perquisition. Immobile, l’hostie en main, prêt à communier s’il est découvert, le prêtre attend et finalement poursuit sa célébration, les révolutionnaires étant repartis bredouilles. Rue des Ayres, le chanoine Boyé officie chez Mme Deyres. Rue Sainte-Eulalie, les demoiselles Vincent ont instauré dans leur appartement un service nocturne de prière devant le Saint-Sacrement exposé.
A Orléans, chez les demoiselles Barberon, une resserre servit d’oratoire pendant des mois. Marie-Anne Poulain fit de sa demeure, comme l’en accusera Fouquier-Tinville, « le centre de la résistance du clergé » et sera guillotinée.
L’abbé Noël Pinot, curé de Louroux Béconnais (Maine-et-Loire), arrêté dans la ferme de la Milandrie vers minuit, revêtu de ses ornements sacerdotaux, est condamné à mort à Angers le 21 février 1794. Conduit à l’échafaud en aube et chasuble, il récite le psaume Introibo ad altare Dei (Je m’avancerai jusqu’à l’autel de Dieu) qui ouvrait alors la messe.

Multiplication des offices clandestins en 1794

En Bretagne, les prêtres refusent en masse de prêter serment à la constitution civile du clergé. Chassés de leurs églises, les prêtres réfractaires célèbrent la messe en mer ou en forêt.

Des burons d’ Auvergne, des bergeries des Causses, les grottes de la Nerthe aux environs de Marseille et des falaises de l’Anglin, en Poitou, la baume de la Creux-Maldru, dans le Jura, servirent au culte clandestin. En Vendée dans les clairières de la forêt du parc de Soubise et aux Grands Abatteux, des milliers de personnes se rassemblèrent pour prier.
Les temps du Carême et de Pâques virent la multiplication des offices clandestins. « Les jours appelés Pâques en style fanatique, écrit le représentant en mission dans la Meuse au Comité de Salut public, sont ceux des fureurs de la superstition. »
Et le représentant aux Armées des Côtes de Brest, le 9 mars 1794: « Le ci-devant Carême et les ci-devant Pâques sont un temps redoutable dans le Morbihan par l’ascendant que les prêtres réfractaires qui y sont en grand nombre ont encore sur l’esprit des habitants des campagnes. »
A Launac (Haute-Garonne), l’abbé Cablat quitte sa cache pour les Rameaux et dit la messe devant trois mille fidèles sans que les autorités osent intervenir. A Saint-Pem (Ille-et-Vilaine), en pleine répression, au milieu d’un quadrillage de troupes, la communion pascale rassemble tous les habitants autour de l’ancien supérieur des Missions de Rennes. A Thury (Manche), le pèlerinage de Bonne-Nouvelle « réunit, selon le représentant en mission, près de quatre mille imbéciles, parmi lesquels sont sûrement des prêtres et qui s’agenouillent autour des murailles de la chapelle, pour prier, pleurer et chanter. ».

Les femmes jouèrent un rôle important

Si le culte clandestin c’est d’abord la messe, c’est aussi l’administration des sacrements. Les femmes jouèrent un rôle important comme propagatrices de la foi par l’instruction religieuse des enfants.
Certaines portèrent sur elles l’Eucharistie comme Mlle Humann, à Strasbourg ou Marie-Madeleine Postel, à Barfleur ; d’autres créèrent des confréries pour la visite des prisons notamment à Grenoble ; d’autres encore furent des animatrices de prières publiques, telle Marie Rivier, en Ardèche. L’enseignement du catéchisme releva par excellence de leur apostolat.
On a recensé quatre mille six cents condamnations à mort et à la déportation pour des motifs strictement religieux : refus du serment à la Constitution civile du clergé, exercice clandestin du ministère sacerdotal, aide apportée aux réfractaires, recel de réfractaires, propagation du « fanatisme » par la parole ou l’écrit, maintien de la vie religieuse en dépit de la suppression des voeux de religion et des congrégations y compris le, hospitalières et enseignantes.
Les déportés endurèrent des souffrances atroces : sur huit cent cinquante prisonniers entassés sur les pontons (vieux trois-mâts) à Rochefort, en 1794, deux cent soixante quatorze seulement vivaient encore lors de leur libération en 1795. Quant aux condamnés à la noyade, ils montaient enchaînés sur les barques pourvues d’un ingénieux système de sabords qui permettait de les précipiter au fond de la Loire, « torrent excellemment révolutionnaire », au dire de Carrier.

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