Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens !

Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! » :
la célèbre injonction du légat du pape Arnaud Amaury avant le massacre de Béziers a longtemps été considérée comme apocryphe — trop belle pour être vraie en quelque sorte…
Et si elle avait vraiment été prononcée ?

Béziers... Un vaste champ de carnage

La boucherie de Béziers pendant la croisade des albigeois

Ils sont si sûrs de leur force, les Biterrois, qu’ils sortent sur les pas de l’évêque. Oh ! c’est une sortie pour rire. Ils avancent au-devant des Croisés et les narguent, mais ceux-ci ne s’en aperçoivent pas tout d’abord, trop occupés qu’ils sont à établir le camp et à préparer le déjeuner.
Ces vilains, nous dit Guillaume de Tudèle, qui sont plus fous et simples que la baleine avec leurs bannières blanches de grosse toile, ils vont courant par l’ost, criant à haute voix, ils croient les épouvanter comme on chasse les oiseaux d’un champ d’avoine, en criant, huant et en agissant leurs drapeaux…
C’est encore la fête, mais le drame va éclater, soudain, comme un tremblement de terre.
Sur leur chemin, les assiégés trouvent un soldat croisé. Sans doute, inconscient du danger, celui-ci s’était-il approché des murs pour s’assurer de leur solidité. Ils saisissent le malheureux isolé, le rouent de coups et le jettent dans le fossé.
Tout près de là se trouvent un important groupe de ribauds. C’est ainsi qu’on nomme les valets à moitié civils et à moitié militaires. Ceux-ci ont vu se dérouler la scène, et ne peuvent y croire. Ils voient leur camarade tombé à l’eau, et les bourgeois qui gesticulent et, par défi, leur lancent quelques flèches perdues. Fous de colère, ils saisissent en hâte la première arme qui leur tombe sous la main et se ruent à l’attaque.
Un beau désordre en résulte. Les bourgeois, pris à l’improviste, prennent aussitôt la fuite, talonnés par les ribauds. Les portes sont encore grandes ouvertes et tous s’y engouffrent pêle-mêle. D’autres ribauds, des paysans, et des auxiliaires qui n’ont jamais tant combattu, se précipitent à leur tour dans la mêlée.
La furie est à son comble, la clameur devient immense. Les seigneurs qui, un peu plus loin, sont en train de s’installer dans leurs tentes, comprennent qu’il se passe quelque chose d’important. Ils s’arment et arrivent dans la ville en pleine panique.
La grande boucherie a commencé. Les ribauds, que rien ne peut plus retenir, pillent, frappent, massacrent tout ce qui leur tombe sous la main. Les curés ont beau faire sonner les cloches et proclamer que les églises où les habitants, affolés, commencent à s’entasser, doivent être autant de refuges inviolables, rien n’y fait.
L’église Sainte-Madeleine, dont c’est aujourd’hui la fête, est pleine à craquer et les réfugiés y prient, mais les lourdes portes volent en éclats : femmes, enfants, vieillards, ils y passent tous. Plus de 7 000 victimes, assurent certains chroniqueurs.
Béziers hurle sa douleur, Béziers n’est plus qu’un vaste champ de carnage !

Béziers. La ville martyre

Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens !Les seigneurs ne sont pas contents car ils rêvaient aux richesses de la grande ville, à ses trésors, à son or, à ses bijoux, à ses meubles précieux, à tout un butin fabuleux que la valetaille leur rafle sous le nez. A coups de triques, ils chassent les ribauds des maisons qu’ils sont en train de piller et ils tentent de récupérer tout ce qui peut encore être sauvé.
Combien ce massacre fit-il de tués ? 25 000 ? 60 000 ? 100 000 ? Mais peu importe, au fond, le nombre des morts. Le fait, épouvantable, qui domine les autres, c’est que tous les habitants aient été tués, tous, sans exception. Eussent-ils été cent mille qu’aucun n’aurait échappé au massacre.
La nuit tombe et, tandis que la ville flambe encore, les principaux chefs de la Croisade se réunissent. Les plus sceptiques, ce soir, crient au miracle ; car il leur paraît extraordinaire que cette ville puissante soit tombée en une seule journée avant même d’avoir été attaquée. Et le jour de la sainte Madeleine alors que c’est dans l’église de la sainte qu’autrefois le vicomte avait été assassiné et l’évêque malmené.
Tous savent que le sort de la ville martyre va semer l’épouvante dans tout le pays, et qu’il faut donc en profiter sans tarder. Pour mieux prolonger sa terreur, ils proclament que toute ville qui osera résister subira le sort de Béziers. Le calcul est bon. En quelques jours, villes, villages et forteresses envoient à l’armée des ambassadeurs. C’est la soumission, et plus de cent châteaux ouvrent leurs portes. L’armée peut quitter les ruines encore fumantes de Béziers. La voie est libre. Jusqu’à Carcassonne, elle n’aura plus besoin de tirer l’épée.

Le problème de l'eau à Athènes

Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! » Peu de paroles historiques ont eu autant de retentissement que ces paroles qu’aurait prononcées le légat pontifical Arnaud Amaury avant le massacre de Béziers, le 22 juillet 1209. Ce mot est souvent employé pour résumer la féroce croisade contre les Albigeois ; et dans les réquisitoires dirigés contre l’intolérance et le fanatisme il se voit convoqué comme une référence obligée. C’est un moine de l’ordre de Cîteaux, originaire de Cologne, Césaire de Heisterbach, qui rapporte ces paroles dans son Dialogue des miracles, recueil de récits exemplaires composé entre 1219 et 1223. Elles éclatent au milieu d’un très long chapitre consacré au catharisme en Languedoc et à sa féroce répression. Jusqu’à une époque récente, les historiens n’ont prêté que peu d’attention aux écrits du cistercien allemand, ou alors ils n’en retenaient que les paroles du légat, commentées souvent dans le feu des querelles religieuses, peu propice à l’objectivité. Or, à confronter ce texte aux sources du temps, on s’aperçoit que Césaire de Heisterbach était bien informé, grâce au réseau cistercien, du déroulement de la croisade. Et les paroles du légat, dont Césaire ne garantit pas l’authenticité, se retranchant derrière un prudent « on rapporte que… », apparaissent plausibles.
Les négociations avec les éléments catholiques de Béziers ayant échoué, le carnage était prévisible, Arnaud Amaury était lui-même un serviteur fanatique de la chrétienté. L’attaque des « ribauds » interrompit la réunion rassemblant le légat et les autres chefs de la croisade, qui se concertaient pour savoir comment sauver les éléments non hérétiques restés dans la ville. Le mot aurait donc été prononcé « à chaud » sur la demande pressante de certains « piétons », ignorant tout de la présence de catholiques dans Béziers. Arnaud Amaury justifie son ordre de massacre par le fait que le salut des catholiques, tués à tort, sera assuré.
Au témoignage de Césaire, il faut ajouter celui… d’un revenant. L’Anglais Gervais de Tilbury rapporte en effet dans ses Divertissements pour un empereur (dédiés à Otton IV et composés vers 1214) qu’à Beaucaire, en 1211, un revenant serait apparu à sa cousine pour déclarer, entre autres choses, que Dieu avait grandement approuvé les massacres commis par les croisés et que « Dieu en son Jugement voulut que les bons soient distingués des mauvais ». Paroles qui font un étrange écho à celles du légat et montrent que ces dernières étaient loin d’être invraisemblables.

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