Charles VI Un schizophrène sur le trône de France

Le règne de Charles VI, si l’on peut parler de règne, fut l’apothéose du pire. Jamais l’absence d’une tête, d’une direction, d’une personne ne s’est fait sentir à tel point dans l’histoire de la France qui, attirant l’Angleterre, faillit réduire ce pays à un rôle de petite nation.
Charles VI aura régné quarante-trois ans et vécu trente ans de supplice dont quinze années d’effacement total. Jeanne d’Arc a alors dix ans

Les hallucinations de Charles VI

Les tendances à la schizophrénie, déjà notées au cours de sa jeunesse, devaient isoler Charles VI des réalités et il devait devenir la proie d’hallucinations

Les tendances à la schizophrénie, déjà notées au cours de sa jeunesse, devaient isoler Charles VI des réalités et il devait devenir la proie d’hallucinations au cours d’événements que les historiens ont relatés sans pouvoir toujours bien les analyser. La guerre avait repris en 1392 et, à la tête de ses troupes, le roi prit la route du Mans. Il traversait une forêt près de cette ville, par une chaude journée d’août, chevauchant presque seul à quelque distance de son escorte, lorsque tout à coup, un homme de mauvaise mine, vêtu d’un linceul blanc, se précipita à la tête de son cheval dont il saisit la bride, en criant d’une voix formidable : « Arrête, noble roi, ne va pas plus, car tu es trahi ! » Au même instant, un page endormi laissait tomber sa lance sur le casque d’un autre page. A ce cliquetis d’armes, le roi tira son épée et, pris d’un accès de folie furieuse, se précipita sur son frère, en s’écriant : « Sus aux traîtres, ils veulent me livrer ! » Le duc réussit à éviter les premiers coups, mais avant qu’on ait pu se rendre maître du malheureux roi, il avait tué quatre personnes de son entourage. Enfin, désarmé et couché à terre, mais écumant encore de rage, il fut lié sur une civière et c’est dans ce triste équipage qu’il fut ramené dans son palais. Ses oncles reprirent immédiatement la tutelle et leur premier acte fut de renvoyer les conseillers du roi qu’on appelait les Marmousets.
Déguisés en satyres
L’année suivante, un déplorable accident, survenu au cours d’une fête masquée donnée à l’occasion d’un mariage, rendit sa démence apparemment irréversible. Le roi et plusieurs seigneurs, s’étant déguisés en satyres, on avait cousu sur eux une toile enduite de résine sur laquelle on avait collé une toison d’étoupe. Le feu prit à l’une de ces toisons et se communiqua à celle du roi que la duchesse de Berry sauva par sa présence d’esprit en l’enveloppant dans sa longue robe ; mais quatre autres masques, cruellement brûlés, périrent après trois jours d’atroces souffrances.

La maladie mentale de Charles VI

Charles VI était certainement un hypocondriaque, c’est-à-dire, au sens propre du terme, « atteint de préoccupations exagérées relatives à son état de santé » : il disait qu’il était de verre, se bardait d’attelles de fer et défendait qu’on le touchât. S’il apercevait ses armes et celles de la reine gravées ou peintes sur les vitraux ou sur les murs, il les effaçait en dansant d’une façon burlesque ou obscène ; il prétendait qu’il s’appelait Georges, et que ses armoiries étaient un lion traversé d’une épée… Il courait souvent çà et là dans son palais jusqu’à complet épuisement de ses forces. Mégalomanie, délire de persécution : « Le roi conçut même tant de haine contre son médecin ordinaire, maître Renaud Fiéron qui avait entrepris sa guérison, qu’il le bannit et le fit chasser de Paris en lui laissant toutefois tout le mobilier qu’il possédait, soit à Paris, soit ailleurs, et qui le rendait plus riche qu’aucun médecin des règnes précédents. »
Aucun soin de son corps
Charles VI n’avait aucun soin de son corps et l’on était obligé de recourir à la force pour le nettoyer :
« Vers la fin de novembre 1405, messeigneurs les ducs décidèrent d’un commun accord qu’on aviserait aux moyens de rendre la santé au roi et qu’on le contraindrait à se soumettre à des mesures de propreté qui pouvaient rendre plus efficaces les remèdes employés pour sa guérison. D’après le conseil d’un habile médecin, les serviteurs ordinaires du roi sortaient chaque jour de sa chambre à nuit tombante, et il en entrait dix autres qui déguisaient leur voix et leur extérieur, afin de ne pas être reconnus. Ils parvinrent au bout de trois semaines à le déterminer par leurs conseils et leurs remontrances à se déshabiller pour se mettre au lit, à changer de chemise et de draps, à prendre des bains, à se laisser raser la barbe, enfin, à manger et à dormir à des heures réglées. Il y avait cinq mois qu’il se refusait à tout cela et déjà la crasse produite par les sueurs fétides avait fait venir des pustules sur plusieurs parties de son corps ; il était tout rongé de vermine et de poux, qui auraient fini par pénétrer jusque dans l’intérieur des chairs, si le médecin n’eût imaginé l’expédient dont nous venons de parler. »
Dans un accès de folie, le roi avait introduit dans sa chair un morceau de fer qu’on n’en avait pas retiré et qui avait produit un ulcère infecté. Dans ses accès, Charles VI brise les objets qui sont à sa portée. Il les jette au feu. Il lacère les étoffes qui tombent sous ses mains.

Charles VI... Mort seul et abandonné

Les familiers de Charles VI notent, en outre, des troubles importants de la mémoire chez Charles VI, des troubles de la sensibilité affective, avec une indifférence complète du roi pour la mort de parents, d’amis ou de partisans au point de donner des fêtes au lieu de prendre le deuil. Par instants, Charles VI prétend qu’il n’est pas roi, qu’il n’est pas marié et qu’il n’a pas d’enfants. Il repoussa sa femme Isabeau de Bavière et voit constamment des ennemis dans ses hallucinations.
Pendant que Henri V, aussi profond politique qu’habile capitaine mourait ainsi en plein triomphe et en pleine gloire, le malheureux Charles VI agonisait, seul et abandonné de tous, dans son palais de Paris où il expira le 21 octobre 1422, laissant la plus grande partie de son royaume aux mains de l’étranger, et son fils, dépouillé par un père inconscient dans sa schizophrénie, relégué au-delà de la Loire et, de roi de France qu’il était en droit, devenu en fait simple roi de Bourges .

Derniers articles
Un vent de panique souffle à Moscou en octobre 1941
Un vent de panique souffle à Moscou en 1941
L'opération Typhon doit impérativement se terminer avant l'hiver.
L'opération Typhon pendant la bataille de Moscou en 1941
Dans l'esprit de Hitler, la campagne de Russie est une véritable croisade
le début de la bataille de Moscou en octobre 1941
Notre départ pour l'exode. ce jour de 1940, est un de mes souvenirs d'enfance les plus vivaces
Témoignage sur l'exode en 1940
Dernières catégories
intro-question-noire
La question noire aux Etats-Unis
intro-dictateurs
Les dictateurs du XXe siècle
intro-malades-gouvernent
Ces malades qui nous gouvernent
Témoignages historiques émouvants, durs, révoltants ou drôles qui marquent les esprits par leur intensité
Témoignages de l'Histoire en Question
Articles populaires
Svetlana Staline l'exilée
Mon père est un dictateur
Rachèle, la femme de Mussolini, est jalouse
Margherita Sarfatti, maîtresse de Mussolini
Quand Jiang Qing devient la quatrième épouse de Mao, le président lui intime de se tenir à l'écart de toute vie politique publique.
Jiang Qing l'impératrice rouge
Les caprices d'Elena Ceausescu
Elena Ceausescu, l'agitée des Carpates