Dans les caveaux bourgeois, la momie jouira d’un beau petit confort : vaisselle, lits, chaises, objets de toilette, malles remplies de vêtements, guéridons à offrandes, miroirs, bijoux et même armes. Autant d’éléments que la famille doit acquérir auprès d’artisans qualifiés. Finalement, qu’est-ce qui coûte le plus cher dans les funérailles? Un papyrus grec nous apprend que les tissus pour l’habillage de la momie comptent pour 31% des frais, le masque funéraire pour 15%, les huiles pour 9% et les pleureuses rémunérées qui accompagnent le cortège au cimetière pour 7%. Une fois le caveau fermé… les dépenses continuent! Dans la chapelle funéraire, accessible aux vivants, les proches doivent régulièrement déposer les offrandes rituelles: pain, bière, viande, volaille, encens… Comme l’Egyptien est pragmatique, il a trouvé une solution au cas où il n’y aurait plus personne pour rendre le culte aux morts. Les formules magiques inscrites sur les stèles dans la chapelle remplacent, grâce à leur pouvoir surnaturel, l’action des vivants. Les plus aisés ont aussi imaginé un système de fondations pieuses, dotées de revenus propres, destinées à payer les prêtres qui viendront chaque jour visiter à leur place la sépulture, les bras chargés de nourriture. Cher, très cher paradis.
Après cette pénible et fatigante cérémonie, les assistants participent à un banquet funèbre, en communion avec le mort. Les serviteurs ont apporté des monceaux de victuailles (oies, canards, poissons, quartiers de boeuf, pains, légumes), destinées en partie au disparu. Ils ont eu, en effet, la sagesse et la délicatesse d’en réserver une large part aux invités. Avant de ripailler, les hôtes écoutent, en silence, les chants d’un harpiste, traditionnellement aveugle. Pareille mise au tombeau n’honore, bien sûr, que les hauts fonctionnaires, laïques ou religieux. L’inhumation d’une personne de plus humble condition est beaucoup plus sobre. Il existe à Thèbes un cimetière des pauvres, niché au milieu du riche quartier funéraire, pour ceux qui ne connaissent que la fosse commune, enveloppés dans une toile rude. Leurs corps sont recouverts de sable, inlassablement : une manière rudimentaire et naturelle de dessécher les cadavres.
L’Egypte, comme d’autres civilisations, a connu la tradition des musiciens aveugles. Les bas-reliefs des temples et des sépultures nous montrent souvent des instrumentistes aux yeux sans pupille. Pour donner l’aubade à Isis, Hathor, Sekhmet et les autres, il ne fallait pas les voir.
Les musiciens jouent un rôle essentiel dans la cérémonie. Ils sont en présence de la divinité, et pendant leur interprétation, ils ne sont pas autorisés à voir le dieu. Au cours de leur concert, ils communiquaient avec la divinité. S’ils n’étaient pas aveugles de naissance, il n’était pas rare de leur enlever la vue sciemment. Des scènes peintes dans le palais d’Akhenaton (1352-1338 av. J.-C.), à Amarna, montrent des musiciens, instruments en main, portant un bandeau sur les yeux. Une fois le récital achevé, ils repoussent leur turban vers le haut et s’inclinent devant le roi, être divin. Le bandeau les rendait invisibles. Ce point est essentiel, seul le roi étant autorisé à converser avec les dieux.
Selon Hérodote, à la fin des banquets, l'hôte offrait à chacun de ses convives une momie en réduction en leur disant : « Regarde celui-là ! Bois et prend du plaisir. Une fois mort, tu seras comme lui ! »