Le Graf Spee dans la gueule du loup

Le 26 septembre 1939, sous la pression de l’amiral Raeder, la Kriegsmarine fut autorisée à s’attaquer aux navires alliés. A ce moment-là, le Graf Spee attendait déjà son heure dans l’Atlantique-Sud.

Les victimes du Graf Spee
30 septembre Clement (5 051 GRT) Royaume-Uni
5 octobre 1939 Newton Beech (4 651 GRT) Royaume-Uni
7 octobre Ashlea (4 222 GRT) Royaume-Uni
10 octobre Huntsman (8 196 GRT) Royaume-Uni
22 octobre Trevanion (9 130 GRT) Royaume-Uni
15 novembre Africa Shell (706 GRT) Royaume-Uni
2 décembre Doric Star (10 086 GRT) Royaume-Uni
3 décembre Tairoa (7 983 GRT) Royaume-Uni
7 décembre Streonshalh (3 895 GRT) Royaume-Uni
Soit 9 navires marchands coulés pour un tonnage total de 53 920 GRT.

Le Graf Spee de l'Atlantique Sud à l'océan indien

Le Clement est le premier d’une série de navires de commerce britanniques interceptés par le Graf Spee dans la même zone en octobre 1939

Le Clement est le premier d’une série de navires de commerce britanniques interceptés dans la même zone en octobre 1939. Traçant d’ouest en est à travers l’Atlantique Sud, le Graf Spee capture en effet le Newton Beech le 5, puis, à peine plus à l’est, le Ashlea deux jours plus tard. Le 10, c’est au tour du Huntsman d’être saisi ; fuyant un secteur qu’il vient d’écumer, le « cuirassé de poche » descend plein sud, toujours sur la route Le Cap-Freetown, et envoie par le fond le Trevanion le 22 octobre, à 450 km au sud de l’île de Sainte-Hélène. Si Langsdorff coule directement les Clement, Ashlea et Trevanion, il garde pendant quelques jours les Newton Beech et Huntsman, pour mieux les inspecter et déplacer leurs cargaisons à son bord : 90 t de sucre, des caisses de thé, de pommes de terre, etc. Le 14 octobre, il a aussi transféré une partie des équipages capturés sur l’Altmark avec lequel il avait un rendez-vous pour mazouter. Langsdorff garde cependant sur le Graf Spee les officiers et radios qui peuvent lui fournir des renseignements utiles.
Pendant ce temps, les Britanniques ont lancé une véritable traque. Ce sont plus d’une douzaine de croiseurs légers et lourds et pas moins de quatre porte-avions qui sillonnent l’océan et escortent les convois. C’est d’ailleurs pour cette raison que le corsaire allemand ne cherche pas à croiser sur les principales voies maritimes : il sait qu’il risque d’y rencontrer plus fort que lui… Langsdorff préfère frapper fort, puis se dérober pour réapparaître là où on ne l’attend pas et recommencer.
Jusqu’à présent, les Britanniques ont aussi été divertis dans leur chasse par l’action du Deutschland en Atlantique Nord. Mais à compter du 1er novembre, ce dernier regagne les eaux allemandes – il atteindra Gotenhaven le 15. Or, les informations du service naval de renseignements allemand concordent avec celles recueillies par Langsdorff: l’ennemi concentre ses croiseurs entre Dakar et Freetown et sur la route du Cap, où sont encore attendus les deux dreadnoughts français Provence et Bretagne ! Il est donc temps de trouver un nouveau terrain de chasse.
Après presque quatorze semaines de mer et une croisière d’environ 29 700 nautiques (55 000 km) – soit bien plus que la circonférence de la Terre, Langsdorff estime qu’il est temps de penser à rentrer. L’hydravion d’observation connaît des pannes à répétition (il sera définitivement hors service début décembre), et, malgré des réparations menées en mer lors de ses rendez-vous avec l’Altmark, le Graf Spee commence « à fatiguer » : les Diesel nécessitent une révision complète, et un carénage devient indispensable. Pour toutes ces raisons, un retour en Allemagne s’impose avant qu’il ne soit trop tard. Aussi, fin novembre, le commandement laisse le choix à Langsdorff soit de continuer sa Kreuzerkrieg, soit de rentrer immédiatement.
En date du 23 novembre, le commandant allemand écrit dans le journal de bord : « Notre guerre au commerce touche à sa fin. Il n’est plus nécessaire de prendre garde de la même façon à la possibilité que le bâtiment encaisse des coups. Si l’Admiral Graf Spee arrive à portée de combat, on peut escompter que l’artillerie puissante du Panzerschiff occasionnera à tout adversaire potentiel, à l’exception du Renown, des avaries telles qu’il ne pourra pas conserver le contact. »

L'ambition du capitaine Langsdorff

Langsdorff, le commandant du Graf Spee souhaite terminer sa mission sur un coup d’éclat

Cependant, une chose manque à Langsdorff : un convoi !
Son tableau de chasse est fort correct (plus de 30 000 GRT) et sa mission est remplie puisque le trafic allié est désorganisé, mais le commandant du Graf Spee souhaite terminer sur un coup d’éclat, d’autant que l’état général de son bâtiment le lui permet encore… Il rejoint donc le secteur qui lui a tant été favorable en octobre. Il l’est encore. Le 2 décembre, il envoie par le fond le Doric Star et, le lendemain, le cargo frigorifique Tairoa.
Toujours pour échapper à d’éventuels poursuivants, le « cuirassé de poche » effectue ensuite un brusque changement de cap, traversant l’océan d’est en ouest pour un rendez-vous avec l’Altmark le 6 décembre.

Le Graff Spee dans la gueule du loup

Le 7 décembre, à 18 h 43, le Graf Spee arraisonna le navire anglais Streonshalh, puis le coula après avoir pris à son bord les trente et un membres de l’équipage. Jusqu’à la dernière minute, le capitaine avait ignoré la nationalité de l’agresseur et, celui-ci, après s’être fait reconnaître, avait interdit toute émission radio. Pourtant, des documents secrets furent mis dans deux sacs et jetés par dessus bord, mais les hommes du Graf Spee réussirent à s’emparer de l’un d’eux avant qu’il disparût dans les flots.
Le contenu de ce sac révéla de précieux renseignements sur les points de rassemblement des bateaux marchands anglais dans la zone du Rio de la Plata. Pensant qu’il était en mesure désormais de faire une bonne récolte, Langsdorff fit route immédiatement vers ces points de rassemblement. En fait, il ne devait y trouver que sa propre défaite. Sur les itinéraires maritimes du Rio de la Plata, où il naviguait en zigzag, le Graf Spee ne rencontra pas de navire. Entre-temps, un message du Bureau des opérations navales donnait de grandes espérances : il annonçait qu’un convoi anglais de 30 000 tonneaux, constitué par quatre navires escortés d’un croiseur auxiliaire, devait bientôt quitter Montevideo.
Dans la nuit du 12 au 13 décembre, le Graf Spee patrouilla au large du Rio de la Plata. Langsdorff avait l’intention, s’il ne trouvait rien, de se diriger le lendemain matin vers la baie de Lagos. Dès les premières heures de la matinée, il mit le cap à l’est, prévoyant de virer vers l’ouest à 6 heures, mais à 5 h 30, la vigie signala deux mâts qui se détachaient sur le ciel du matin.
Comme le cuirassé corsaire se dirigeait vers eux, l’officier navigant rappela à Langsdorff l’ordre d’éviter les forces ennemies, mais le commandant estima qu’il devait s’agir là d’un navire appartenant au convoi signalé et qu’il était en mesure de faire un « joli carton » sur l’escorte.
Il fut bientôt déçu : le navire anglais était le croiseur léger Exeter et deux croiseurs de la classe de l’Achilles suivaient dans son sillage.
Langsdorff jugea qu’il serait inutile d’essayer d’échapper aux trois croiseurs et qu’une rencontre était inévitable. Il attaqua immédiatement, afin de surprendre l’adversaire, et ouvrit le feu sur l’Exeter.
Il était 6 h 17. La bataille du Rio de la Plata avait commencé.

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