Le drame de Pompéi

L'Ă©ruption en quatre temps
13 heures. Le VĂ©suve entre en Ă©ruption. Le volcan expulse un panache de cendres et de magma qui monte jusqu'Ă  27 km de hauteur.
17 heures. Une pluie de pierres ponces et de blocs tombe sans discontinuer sur la ville : 10Ă  15 cm d'Ă©paisseur par heure. Le ciel s'est obscurci. La foule est dans la rue et cherche Ă  fuir.
Dans la nuit. Sous le poids de roches plus denses, la colonne de fumée s'affaisse sur elle-même et dévale les pentes du volcan à plus de 100 km/h, accompagnée d'un mélange de gaz, de cendres brûlantes et de laves incandescentes.
7 heures le lendemain. Une dernière coulée s'écoule dans la baie de Naples. Toute la région est recouverte d'une couche de cendres d'une épaisseur comprise entre 50cm et 4 mètres

Pompéi, les premiers signes...

A PompĂ©i, avant le drame, les oiseaux se taisaientDepuis quelques jours, en ce mois d’aoĂ»t 79, alors que Titus venait de succĂ©der Ă  son père Vespasien, on avait dĂ» de nouveau constater des secousses. Dans les maisons construites sur les pentes du VĂ©suve ou Ă  proximitĂ©, des murs s’Ă©taient fendus. Des objets Ă©taient tombĂ©s Ă  terre, des puits s’Ă©taient brusquement taris. Depuis, plus rien. L’inquiĂ©tude Ă©tait tombĂ©e, d’un seul coup. Le 20 aoĂ»t, on ressentit de nouvelles secousses, plus accentuĂ©es. Sans qu’on pĂ»t bien les localiser, on perçut d’Ă©tranges grondements, semblables Ă  ceux d’un tonnerre lointain. On constata que la mer Ă©tait bien houleuse pour un mois d’aoĂ»t. Mais, le 22 et le 23, tout s’apaisa. La campagne, semĂ©e de ces grands domaines agricoles consacrĂ©s au blĂ© ou au vin, recouvra sa paix de chaque jour, dans l’exubĂ©rance de ses fleurs et de sa verdure. La ville elle-mĂŞme retourna Ă  son animation joyeuse.
Un signe aurait du alerter les plus perspicaces : les oiseaux se taisaient. Dans les jardins, c’est en silence qu’ils volaient dans tous les sens, comme s’ils cherchaient quelque chose ou comme si quelque chose leur manquait. Il y avait aussi les chiens. Ils aboyaient sans raison. Pourquoi ? Dans les Ă©tables, vaches et bĹ“ufs s’agitaient. Ce Ă  quoi songeaient surtout les paysans, c’Ă©tait Ă  une chute de grĂŞle qui les ruinerait en un instant. Le 24 au matin, ils se rassurèrent : dans le ciel, pas un seul nuage. Le soleil brillait sur PompĂ©i, chaud comme la veille.

Une pluie de cendres sur Pompéi

La cendre, poussée par le vent vers l'est, commença à pleuvoir sur Pompéi

A 10 heures, ce fut l’explosion, soudaine. StupĂ©faits, ceux qui regardaient le VĂ©suve, c’est-Ă -dire presque tous, constatèrent que le sommet du volcan s’Ă©tait scindĂ© en deux. En fait, le bouchon de lave qui, depuis si longtemps, obstruait le cratère venait de sauter. Tout aussitĂ´t, le magma riche en gaz Ă  haute pression qui s’Ă©tait accumulĂ© sous le bouchon jaillit avec une incroyable violence, projetant en l’air, jusqu’Ă  plusieurs milliers de mètres de hauteur, plusieurs milliers, des fragments de lave!
C’est alors que des pierres ponces s’abattirent sur la ville et que, Ă©pouvantĂ©s, les habitants de PompĂ©i virent une colonne de feu s’Ă©lever du VĂ©suve. Elle disparut. Un Ă©norme champignon de fumĂ©e noire la remplaça. En fait, cette fumĂ©e Ă©tait de la cendre pulvĂ©rulente, de la poussière chargĂ©e de gaz. Et, Ă  10 h 15, ce matin-lĂ , cette cendre, poussĂ©e par le vent vers l’est, commença Ă  pleuvoir sur PompĂ©i.

Les PompĂ©iens ont d’abord vu et senti s’abattre autour d’eux pierres ponces et lapilli. La plupart ont couru se mettre Ă  l’abri. Quand les cendres ont succĂ©dĂ© au bombardement, beaucoup se sont crus sauvĂ©s. Mais la pluie de cendres se rĂ©vèle bientĂ´t si dense qu’ils voient tout Ă  coup le soleil s’obscurcir. Il leur semble, en plein jour, ĂŞtre plongĂ©s dans les tĂ©nèbres. Au mĂŞme instant, des milliers de PompĂ©iens, des deux sexes et de tout âge, vont ĂŞtre mus par le mĂŞme rĂ©flexe : fuir. Ils sont des milliers et encore des milliers Ă  chercher leur chemin au milieu de ce vol de cendres qui leur brĂ»le les yeux, qu’ils respirent, qu’ils avalent. Coude Ă  coude, pauvres et riches. Un grand nombre se protègent la bouche avec un coussin ou Ă  l’aide d’une tuile.
Nous n’avons nullement Ă  laisser aller notre imagination. Ce qui demeure, ce sont les plus Ă©loquents des tĂ©moignages. Les hommes, les femmes, les enfants qui, dans l’impossibilitĂ© de fuir, ont agonisĂ© dans les rues ou dans les maisons ont Ă©tĂ© recouverts par les cendres humides. Celles-ci se sont peu Ă  peu solidifiĂ©es. Quand, après presque vingt siècles, les chercheurs ont retrouvĂ© ces cadavres, ils ont pu constater que les cendres conservaient en creux l’empreinte du corps. Il a suffi de couler dans ce creux du plâtre liquide pour recomposer la position exacte dans laquelle ces PompĂ©iens Ă©taient morts. C’est ainsi qu’on a pu lire, rĂ©alisme hallucinant, leurs derniers gestes, jusqu’Ă  leurs ultimes rĂ©flexes de dĂ©fense.
Ces hommes et ces femmes que l’on suit ainsi Ă  la trace, nous constatons que le plus grand nombre d’entre eux courent vers la porte d’Herculanum. Ou tout au moins qu’ils tentent d’y courir, trĂ©buchant, les yeux brĂ»lĂ©s, perdant le souffle. Certains ont jetĂ© Ă  terre leurs vĂŞtements, ils courent tout nus. Beaucoup tombent pour ne plus se relever. On bute sur les cadavres. Enfin, pour les survivants, voici la porte tant espĂ©rĂ©e, la porte d’Herculanum ! Comment ont-ils pu se tromper Ă  ce point ! Car le vent souffle du nord-ouest, venant du VĂ©suve. A peine les fuyards ont-ils quittĂ© la ville qu’ils doivent lutter contre une vĂ©ritable tempĂŞte de cendres. L’horreur, l’enfer. Alors, ils rebroussent chemin, rentrent dans PompĂ©i, se heurtent Ă  tous ceux qui tentent de sortir. Des femmes, des enfants sont piĂ©tinĂ©s. D’autres croient dĂ©couvrir un asile dans les tombeaux qui s’Ă©lèvent de part et d’autre de la route. Ils oublient que la terre ne cesse de trembler. Une femme, son enfant dans les bras, se jette sous un mausolĂ©e. Le monument s’Ă©croule sur la malheureuse et son petit. Quatre personnes, dont une femme qui, elle aussi, porte un bĂ©bĂ©, trouvent la mort sous le portique d’une tombe.

A Pompéi... Asphyxiés ou écrasés

D’autres PompĂ©iens ont cru pouvoir fuir par la porte Marina. Parce qu’elle mène Ă  la mer, cette porte. La mer, pensent-ils, c’est le salut. Ils n’ont pas tort. Ceux qui franchissent la porte constatent que le vent est avec eux, pas contre eux. Les cendres, ils les laissent derrière eux. Ils vont longer le cours du fleuve Sarnus. La mer est Ă  moins d’un kilomètre.
Attention ! Pour passer, il faut n’avoir rien emportĂ©. La richesse, ici, signifie la mort. Une patricienne aux doigts chargĂ©s de bague n’a pas voulu se sĂ©parer de ses bijoux, de sa vaisselle, de cent pièces de monnaie. Impossible de courir. Les cendres et le gaz ont bientĂ´t raison d’elle. Elle s’abat sur le sol. Son trĂ©sor s’Ă©parpille autour d’elle. On retrouvera Ă  cĂ´tĂ© de son cadavre celui d’une fillette de quatorze ans, sa fille probablement, qui, en vain, s’Ă©tait recouvert la tĂŞte de sa robe. Près d’elles, encore, une servante et un esclave de taille gĂ©ante, Ă  qui, peut-ĂŞtre, le maĂ®tre avait confiĂ© la protection de sa femme et de sa fille.
Mais oĂą sont-ils, ceux qui courent vers la mer ? Les premiers sont arrivĂ©s au port. DĂ©solation : le vent souffle en tempĂŞte ! Les quais et la cĂ´te sont balayĂ©s par des vagues de plusieurs mètres de hauteur ! Impossible de mettre un bateau Ă  la mer. D’ailleurs, presque toutes les embarcations gisent, Ă©ventrĂ©es, Ă©crasĂ©es, sur le rivage. Mais voilĂ  que les gaz rejoignent ceux qui s’Ă©taient crus sauvĂ©s. Chaque bouffĂ©e d’air qu’ils respirent vient brĂ»ler leurs poumons. Ils suffoquent, ils hurlent, ils se battent contre l’invisible. Ils se roulent Ă  terre. Et ils meurent. Les fouilleurs les ont retrouvĂ©s dans PompĂ©i et hors de PompĂ©i, ces hommes et ces femmes tuĂ©s par le VĂ©suve. Les prĂ©cautionneux et les autres. Le propriĂ©taire de la villa de Diomède a conduit sa famille et ses quatorze serviteurs sous des voĂ»tes qu’il croyait solides. Il a fait apporter du pain et d’autres provisions. Il a enfoui dans un sac de toile huit pièces d’or et quatre-vingt-huit monnaies d’argent. Puis, suivi d’un esclave, il a voulu aller aux nouvelles. Tous les deux, ils se sont effondrĂ©s sur le seuil. Les gaz ont rejoint sous les voĂ»tes le reste de la famille et les serviteurs. Dix-huit morts que, bientĂ´t, les cendres ont ensevelis.
Je les vois, les prĂŞtres d’Isis, qui, au moment de l’Ă©ruption, prenaient leur repas. D’abord, ils ont voulu sauver le trĂ©sor du temple, ils l’ont confiĂ© Ă  l’un des leurs. Il n’est pas allĂ© bien loin : il s’est abattu dans la rue voisine avec son sac d’or, ses statuettes, ses coupes et les objets du culte. Les autres prĂŞtres ont cherchĂ© dans le temple l’abri le plus sĂ»r. Un mur s’Ă©croulant a fait de l’un d’eux un emmurĂ©. Une hache Ă  la main, il a tentĂ© d’abattre les cloisons. Il triomphe d’une première, d’une deuxième. Devant la troisième, l’asphyxie a eu raison de lui. Deux prĂŞtres ont pu gagner le forum triangulaire. Une colonnade les a Ă©crasĂ©s. Vaut-il mieux mourir asphyxiĂ©s ou Ă©crasĂ©s ?
Je pense aussi aux gladiateurs. Ils se sont barricadĂ©s dans l’un des bâtiments de leur caserne. Dans une première pièce, trente-quatre ont pĂ©ri. dans une autre, dix-huit, et, parmi eux, une femme sur laquelle on a trouvĂ© de très beaux bijoux. Peut-ĂŞtre cette femme est-elle morte d’ĂŞtre venue rendre visite Ă  un combattant qu’elle aimait ? Je pense Ă  ces deux gladiateurs enchaĂ®nĂ©s dans leur cellule et que nul n’est venu dĂ©livrer.

Derniers articles
femmes-pere-svetlana
Mon père est un dictateur
femmes-rachele-jalouse
Margherita Sarfatti, maîtresse de Mussolini
femmes-jiang-king
Jiang Qing l'impératrice rouge
femmes-elena-caprices
Elena Ceausescu, l'agitée des Carpates
Dernières catégories
Entre septembre 1939 et mai 1943, les U-Boote livrent une guerre sans merci contre les convois alliés pendant la bataille de l'Atlantique.
La bataille de l'Atlantique
intro-tragedies-en-mer
Tragédies en mer
intro-bataille-angleterre
La bataille d'Angleterre
La vie quotidienne des Allemands sous le régime nazi de Hitler
L'Allemagne nazie
Articles populaires
Le lanista est le directeur de l'Ă©cole de gladiateurs
Le recrutement et l'Ă©cole des gladiateurs dans la Rome antique
antiquite-rome-esclaves-marche
Le marché aux esclaves dans la Rome antique
Organisation des combats de gladiateurs dans la Rome antique
Les gladiateurs étaient des héros de l'arène romaine dans l'antiquité
la journée d'un prêtre dans l'Egypte ancienne
Les prĂŞtres dans l'Egypte antique